Le jour où mon casier d’ivresse n’était plus vide
La première fois, c’était avec Jude. Lui avait déjà vécu pareille expérience. Il avait un palmarès peu ou prou riche en la matière. Il avait l’habitude de me raconter ses exploits ou déboires, c’est selon. Moi, mon casier d’ivresse était vide jusqu’à ce samedi soir. De l’année, je ne me rappelle plus. Mais, je sais que c’était lors de la fête de la bière à Lomé, que c’était en octobre, que c’était récent. Car elle s’est déroulée en face de l’Hôtel de la Paix et non plus en face de l’Hôtel Ibis comme les années précédentes…
Nous nous étions donnés rendez-vous Jude et moi sur les lieux. Comme convenu, nous nous retrouvâmes à l’une des entrées bondées de monde. Nous y entrâmes, allâmes saluer un de mes grands frères qui y tenait un stand. Nous primes place chez lui un moment. Quand un non fan de bière comme moi va à la fête de la bière, il y a déjà problème. Même si on y vend pas que de la bière, il est difficile de ne pas en consommer. Nous commandâmes une Castel chacun. Habitué à boire de la bière, Jude n’eut aucune peine à finir sa bouteille. C’était plutôt le contraire chez moi. J’eus toutes les difficultés du monde à finir la mienne. C’était un véritable supplice que je m’infligeai. Et comme si cela ne suffisait pas, nous quittâmes le stand de mon frère pour un autre. Une amie de Jude devait nous y rejoindre.
La fête de la bière est l’occasion de promotions en tous genres comme par exemple: deux Castels pour le prix d’une. C’est justement cette promotion qui aura fini de m’achever et de me porter le coup de grâce. Avant que l’amie de Jude ne nous rejoigne, nous fîmes un tour. Autrement dit, je m’infligeai encore tel un sadomasochiste deux Castels. J’ai oublié de vous dire que Jude et moi avions fait l’Institut des Sciences de l’Information, de la Communication et des Arts (ISICA) de l’Université de Lomé et que c’est lors d’un stage à la Radio Lomé qu’il a connu cette amie. Lorsqu’elle arriva, nous fîmes un autre tour. Deux nouvelles bouteilles de Castel étaient servies à chacun de nous trois. Je tiens à préciser que j’ai accompli jusque-là un exploit. Boire trois bouteilles était pour moi la mer à boire. J’entamais à peine ma quatrième bouteille lorsque je constatais que j’étais en état d’ébriété. J’étais en fait à la fois mi saoul et mi conscient. Il fallait arrêter le massacre. Une autre gorgée de bière aurait été celle de trop.
Je pris la décision de rentrer. J’en informais Jude. « Je n’en peux plus » lui dis-je. Il comprit. J’étais à bout. Ma maison ne se trouvait qu’à quelques kilomètres. Je marchais alors pour rentrer. Sur le trajet, je me demandais comment j’en étais arrivé là. Étais-je vraiment saoul ? Cette interrogation tournait en boucle dans ma tête. J’allais connaître pour la première fois l’expérience de l’ivresse. Rien qu’en y pensant, j’étais terrifié. Une fois rentré, je ne tardais pas à avoir la confirmation. Je gerbais d’abord. J’eus ensuite envie d’aller aux chiottes. Et là, je roupillais un bon moment. Je me réveillais en sursaut. Je me rendis compte que j’étais vraiment saoul, que je venais de manifester les quelques symptômes de l’ivresse, que je me retrouvais dans toutes ces histoires de mésaventures alcooliques racontées par des amis.
Je me rendis directement au lit. Toute la nuit, je me réveillais par moment car j’étais mal à l’aise. Le lendemain, j’eus de la peine à me réveiller. J’avais un mal de tête pas possible. Me lever et me tenir debout était une corvée. Quand je réussi enfin, je n’ai pas tenu longtemps. Dehors, mon visage ne pouvait supporter le soleil. Je tentais tant bien que mal de soigner ma gueule de bois. Je passais une mauvaise journée. D’ailleurs, une mauvaise semaine. La soirée de samedi soir a déteint négativement sur toute ma semaine.
Entre la bière et moi, ce n’est toujours pas le grand amour. Il ne pouvait en être autrement ! Mon casier d’ivresse, lui, n’était plus vide !
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